Il n’est jamais trop tard pour changer d’emploi. Mais à partir d’un certain âge, et surtout si vous n’avez jamais ou peu bougé durant votre carrière, ce changement se prépare. Car mal anticipée, l’adaptation à un nouvel environnement professionnel peut devenir un calvaire.
Lorsqu’on vient de quitter une entreprise dans laquelle on avait confort, ancienneté, reconnaissance, l’intégration à un nouveau poste peut être difficile."À 50 ans, la capacité psychologique d’adaptation s’amenuise", constate Philippe Archin, psychosociologue et psychanalyste à la Maison du Travail. Nouvelles méthodes de travail, nouveau processus de décision, le tout dans la position du nouveau venu qui doit faire ses preuves : cela peut être difficile, et certains ne le supportent pas. D’ailleurs, les cadres expérimentés sont de plus en plus frileux à l’idée de changer d’emploi.
"C’est particulièrement risqué quand les gens ont quitté un grand groupe pour une structure plus petite, comme une PME, ou une entreprise très atypique, comme Google, où la chaîne hiérarchique est peu construite", explique Corinne Samama, coach professionnel. Moins de moyens, plus de risques : certains supportent mal le changement de culture. "D’ailleurs, ces entreprises atypiques font de plus en plus attention lorsqu’elles débauchent des personnes, pour minimiser les risques de les voir partir."
Comment éviter les problèmes d’adaptation ?
À condition de bien la préparer, il n’y a aucune raison que cette évolution se passe mal. Il importe de voir le nouveau poste comme un élément positif. "Il ne faut pas situer ce changement du côté de la perte, explique Philippe Archin. Ce qui a été vécu avant n’est pas perdu. En changeant de poste, on peut pour soi créer un inédit et pour l’entreprise, apporter une compétence riche de toute l’expérience antérieure."
Il est aussi essentiel de se renseigner à fond sur le poste que l’on s’apprête à occuper. "Il faut poser un maximum de questions lors des entretiens d’embauche, et surtout demander à rencontrer les personnes avec qui on va travailler", conseille Corinne Samama. Elle observe que parfois, ces entretiens ont lieu avec une personne des ressources humaines, ce qui ne suffit pas. "Il faut demander à rencontrer son supérieur direct, ses adjoints, les pairs s’il y en a, et même les équipes que l’on va diriger." Attention aux "angles morts" du poste : si c’est une création de poste, quelles seront exactement les missions et les moyens alloués ? Si cela n’a pas marché avec votre prédécesseur, pourquoi ? En résumé, il faut savoir où l’on met les pieds.
Mûrir sa décision
L’erreur grave à éviter, c’est la prise de décision précipitée. "Vers 45 ans, on entre dans une vie un peu différente sur le plan psychologique, explique Philippe Archin. Beaucoup de gens ont envie de changer à ce moment-là. On se dit tout à coup que sa vie est monotone et on ressent une immédiate nécessité de bouger." C’est le changement de poste "crise de la quarantaine". Et c’est particulièrement risqué. Cette envie frénétique de nouveauté, d’échapper à la routine – mais aussi le besoin de se convaincre soi-même qu’on en est encore capable – risque de mener à des décisions irréfléchies. "Il y a une vraie prudence à avoir, un bilan de compétences peut être nécessaire", recommande Philippe Archin.
Même discours chez la coach Corinne Samama. L’important, c’est de prendre son temps. "Il ne faut pas être pressé. Un changement de poste à ce moment, ça se travaille beaucoup en amont, avec le réseau. Il faut travailler pour soi, rencontrer du monde, pour minimiser les risques", conseille-t-elle. À 45 ou 50 ans et vingt ans d’ancienneté, on ne saute pas le pas comme on le ferait à 30 ans. "Pas de risque inconsidéré, car à 50 ans, c’est très difficile de rebondir après un échec."
Pas de raison d’hésiter donc, à condition d’être vigilant. D’autant que "les entreprises ont besoin de mouvement et de sang neuf, insiste Corinne Samama. Sans oublier que ce sont de bonnes occasions de progresser en salaire…" Ce n’est donc pas parce que vous avez passé vingt ans dans la même entreprise, que vous êtes condamné à y finir votre carrière !