Qui n’a jamais entendu, au cours d’un repas de famille, un oncle prendre à partie son voisin de table : « De toute façon, vous les fonctionnaires, vous êtes payés à ne rien faire. » Un débat houleux s’engageait alors sur la question du juste salaire, parfois trop faible pour celui qui le perçoit, souvent « surpayé » pour celui qui estiment fournir plus d’efforts dans sa profession…
Dans l’opuscule collectif Bien ou mal payés ? Les travailleurs du public et du privé jugent leurs salaires (Éditions Rue d’Ulm, 2014), une dizaine de chercheurs dévoilent et décryptent l’enquête « SalSa » (« les salaires vus par les salariés ») menée en deux temps (entre 2008 et 2009 et en 2011) auprès de 6.000 travailleurs.
Résultat : à tous les niveaux, les fonctionnaires sont bien moins satisfaits de leur salaire (49% le jugent satisfaisant) que leurs homologues du privé (55%). Un constat d’autant plus « surprenant » selon les auteurs, qu’il y a 20 ans, ces chiffres étaient inversés, et que « les salariés de la fonction publique sont en moyenne au moins aussi bien rémunérés que ceux du secteur privé et bénéficient en prime de la sécurité de l’emploi ». Alors, pourquoi ce décalage ?
Les fonctionnaires : jamais contents ?
L’écart de satisfaction se serait creusé dès la fin des années 1990. Une période qui coïncide avec la dégradation « objective et subjective » des conditions de travail dans le public. En cause, une refonte des techniques managériales inspirées de plus en plus du secteur privé, la détérioration des relations avec les usagers, mais aussi le gel du point d’indice de rémunération, qui n’a pas évolué depuis juillet 2010.
Les auteurs remarquent qu’au sein du secteur public, les hommes, les cadres et les diplômés du supérieur constituent les sous-groupes les plus insatisfaits. Ils sont aussi ceux qui ont vu « leurs salaires au cours des douze dernières années le plus décrocher par rapport à ceux de leurs homologues des entreprises ».
« Êtes vous satisfaits de votre salaire, et pourquoi ? »
Les retranscriptions d’entretiens récoltés ont également permis une analyse lexicométrique de grande ampleur pour mieux cerner les critères de justice mobilisés par les salariés du public et du privé.
En croisant les termes employés lors des entretiens ouverts et le niveau de satisfaction déclaré, on s’aperçoit que les fonctionnaires cadres ont plus tendance que les autres catégories à se référer à leur niveau de diplôme pour évaluer leur salaire, tandis que les cadres du privé se rattachent plus à la quantité de travail abattue.
Surprise, les notions de « mérite » et de « justice » n’apparaissent presque jamais dans les réponses exprimées.