Quand les PME se mettent au troc

France Barter, le premier réseau de troc pour les PME et les TPE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les barters, échanges de services inter-entreprises, commencent à se développer en France et représentent un financement alternatif. Une plateforme en ligne est née en 2014, à destination des TPE et des PME.
 

" Le barter nous permet de faire des investissements que nous n'aurions pas pu nous permettre avec une monnaie numéraire ", assure Guillaume Roussel, directeur général d'Innoviscop, une PME parisienne de cinq salariés qui fournit des conseils de financement pour les projets de recherche et développement.

Le barter, qui signifie troc en anglais, est un échange de services entre deux entreprises. Au lieu d’acheter une offre à un prestataire, l’entreprise fournit à ce dernier une prestation équivalente au service souhaité.

Ce troc des entreprises existe depuis longtemps mais seulement dans un secteur précis : les médias. Ces derniers échangent des espaces publicitaires contre des prestations utiles à leur développement, comme de l’événementiel.

 

Le troc s’effectue alors de manière bilatérale et doit correspondre à des besoins mutuels, au même moment, pour les deux entreprises, ce qui représente une contrainte importante.


Un réseau de troc


“ Pour développer ce type de transaction, nous avons créé un réseau de barter sur Internet où une entreprise A peut fournir un service à un client B, obtenir en retour des barter euros, avec lesquels elle achètera un service à une entreprise C “, explique Arthur Bard, co-gérant de France Barter.

 

“ Notre plateforme est destinée aux entreprises de tous les secteurs, pas seulement aux médias. Nous souhaitons notamment intensifier le troc entre les PME et les TPE pour faciliter leur développement. ”

 

La PME Innoviscop a choisi de réaliser ses investissements
en barter. Ci-dessus, Guillaume Roussel, directeur général.

 

L’entreprise peut ainsi se développer, sans dépenser un euro, juste en utilisant du temps et son savoir-faire. “ Sur le réseau France Barter, nous allons acheter les services d'un photographe pour illustrer notre site web, tout en conservant notre réserve de trésorerie ", se félicite Guillaume Roussel. Avec les crédits barter obtenus par la vente de ses prestations, Innoviscop envisage aussi “ de s’offrir des solutions de référencement web, de rénovation de bureau et de formation des salariés, en comptabilité par exemple. Nous passons par le barter pour investir et gardons nos liquidités pour payer le fonctionnement de la société, comme les salaires “.


Mais les prestations en barter peuvent représenter un coût de revient pour certaines entreprises, comme Evolugreen, spécialisée dans l’efficacité énergétique. “ Lorsque nous installons des ampoules basse consommation chez un membre du réseau France Barter, nous sommes obligés de payer en numéraire des fournisseurs extérieurs au réseau ”, explique Samuel Hauwy, directeur général de la société. “ Nous facturons donc la prestation avec une partie en euros normaux, qui correspond à nôtre coût de revient, et l’autre en barter euros, qui représente notre marge. ”

 

La société Evolugreen facture en barter 
une partie de l'installation d'éclairages basse consommation. 
Ci-dessus, Samuel Hauwy, directeur général.

Capter de nouveau clients

 

Ce réseau de barter comporte d’autres avantages pour les entreprises que le développement à moindre frais. “ Nous l’utilisons pour capter de nouveaux clients ”, révèle Julien Méchin, de Creads, une agence de communication de trente salariés. C’est un moyen de comprendre les demandes des membres de la plateforme, de nouer des relations en leur fournissant des prestations, pour ensuite réaliser avec eux des ventes classiques.” Pour le moment, la société Creads vend ses solutions, accumule des barter euros, sans pouvoir les utiliser rapidement. “ C’est un peu la limite de ce système qui fait ces premiers pas en France,  remarque Julien Méchin. Lorsque vous gagnez des barter euros, vous n’êtes pas sûrs de trouver tout de suite une offre intéressante pour les dépenser ”.

 

“ C’est tout le travail des animateurs de notre réseau ”, précise Arthur Bard, qui recense actuellement 263 membres sur France Barter. “ Ils doivent réussir à faire correspondre les offres avec les besoins spécifiques des utilisateurs.” Chaque offre est définie par son secteur d’activité, sa valeur marchande et sa portée géographique. “ Plus il y aura d’échanges sur le réseau, et mieux nous comprendrons les besoins précis des entreprises présentes. ” A terme, cette plateforme de barter pourrait constituer une vaste base de données des attentes des acteurs économiques, utile pour adapter l’offre à la demande.

 

Un cadre juridique

 

Mais ce mode de paiement est-il sécurisé ? Et si oui, alors pourquoi les entreprises françaises l’utilisent si peu aujourd’hui, contrairement aux pays anglo-saxons  ?

 

 


Le flou juridique français sur le barter, il y a quelques années, semble expliquer une méfiance des entrepreneurs. “ Quand nous avons commencé, nous ne savions pas si ce type d’échange était vraiment légal ”, avoue Arthur Bard. “ Et puis le cadre juridique s’est dessiné. Désormais, les échanges en barter font l’objet de contrats et de factures classiques entre les deux parties, comme dans une transaction en numéraire.”

En 2012, le ministère du Redressement productif a même publié un rapport et un guide sur la question.

Dans quatre ans, la société France Barter prévoit d’accueillir 50 000 entreprises sur son réseau, avec un volume d’échanges de 480 millions d’euros.

 

 

L'économie suisse utilise le barter depuis 80 ans
60 000 PME suisses utilisent une monnaie d’échange de services au sein de la banque WIR, un organisme de troc inter-entreprises, fondé en 1934 pour apporter une solution au manque de liquidités entraîné par la Grande dépression. WIR, une abréviation allemande pour “Cercle de coopération économique" est une société à but non lucratif.
Jusqu’ à  l'après-guerre, les crédits WIR étaient fondants, ce qui signifie qu'ils étaient taxés s'ils ne circulaient pas dans le réseau de coopération. Le cercle WIR est le seul survivant parmi tous les systèmes de troc entre les entreprises inventés dans les années 30.
Depuis quinze ans, le cercle WIR s’est transformé en banque coopérative, propose des crédits en WIR à des taux intéressants, ainsi que des services bancaires classiques comme des placements. Une carte bancaire WIR permet même aux membres du cercle d'effectuer des paiements.

 

Alexandre Poussart

 

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