Charlotte, animatrice dans une association caritative : adore les marques de reconnaissance, n'aime pas être incomprise des bénévoles

Charlotte, 25 ans, est animatrice salariée dans une association de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. « Bon, si on veut faire vite, j’ai deux fonctions principales, résume-t-elle : manager les bénévoles sur leurs activités et leurs projets, et sensibiliser le public et les collectivités à la solidarité internationale ».

 

Ça, c’est sur le papier. Mais selon elle, son métier comporte « un milliard d’autres facettes », allant du prosaïque (comme faire des devis pour la peinture d’un local de bénévoles) aux tâches plus sophistiquées (l’organisation de conférences ou d’expositions par exemple).

 

« Je cours partout » soupire-t-elle. Même si elle adore son travail, la fatigue prend souvent le dessus, exacerbée par l’impression de ne jamais en faire assez.

 

 

« J’aime les marques de reconnaissance des personnes à qui on vient en aide et ne pas être cloisonnée dans un bureau »

 

La relation avec les gens qu’elle rencontre et les petites marques de reconnaissance qu’ils manifestent sont les principales motivations de Charlotte. « C’est bête, mais des fois un sourire, une carte postale ou n’importe quel autre cadeau insignifiant prend tout à coup une valeur inestimable quand il est offert comme remerciement… Ça me rappelle que je suis utile, que j’ai fait avancer les choses à mon échelle. »

 

« J’aime aussi la force qui se dégage de l’association, de la communauté ». Avec les 70 bénévoles qu’elle coordonne, Charlotte peut voir les choses en grand, et organise des projets pour faire reculer l’exclusion.

 

Il y a quelques semaines, elle a accompagné un groupe de femmes demandeuses d’asile à la plage. « Elles étaient arrivées en France depuis trois ans, et n’avaient pas vu la mer pendant tout ce temps ! » Elle poursuit : « J’étais là, avec elles, les pieds dans l’eau, et je me suis dit : ‘eh ouais ! Ça aussi ça fait partie de mon boulot ! C’est quand même cool de ne pas rester cloitrée à longueur de journée dans un bureau’. »

 

« Je n’aime pas être sollicitée pour des choses futiles et cette impression de pouvoir toujours faire plus pour aider »

 

Parfois, elle est appelée en urgence pour des broutilles par les bénévoles, « une ampoule cassée, une imprimante qui ne fonctionne pas… ». Deux logiques différentes se confrontent alors, entre d’un côté des bénévoles à la fois « très exigeants » mais qui participent à l’association et ses activités en fonction de leur bonne volonté, et de l’autre Charlotte, qui elle en est salariée.  « C’est une association qui repose essentiellement sur le travail des bénévoles. Et le bénévolat, c’est une temporalité totalement différente du salariat, ne serait-ce qu’au niveau des absences… Eux ne sont contraints à rien, c’est leur motivation qui détermine leur engagement. Mais moi, j’ai été engagée pour les motiver ! De plus, depuis leur local,  ils n’ont pas vraiment une vision d’ensemble de ce que je fais et de l’action de l’association. Par exemple , si un jour je n’ai pas réussi à changer leur ampoule, ils vont penser que je ne fais rien pour eux. Alors que j’ai d’autres personnes à gérer, et que si ça se trouve, j’ai reçu la même demande 30 fois cette semaine… »

 

Face à cette nuance de rôles, d’obligations, et aux incompréhensions qui en découlent, Charlotte a entrepris d’expliquer régulièrement aux bénévoles sa mission : « j’essaye de bien leur raconter ce que je fais afin qu’ils comprennent que j’essaye de me démener pour tout le monde. Du coup ils prennent un peu plus la mesure que mon travail. Ils réalisent que si je ne peux pas répondre à leurs attentes, c’est juste que je suis hyper occupée, et qu’il faut essayer de se tourner vers quelqu’un d’autre… »

 

Le contact avec des publics nécessiteux se traduit aussi par un « sentiment de culpabilité » quand elle retrouve le confort de son appartement et de sa vie rythmée par les voyages et les soirées entre amis. « Après l’excursion avec les dames du centre d’hébergement, je suis retournée sur à la mer avec une copine quelques jours plus tard. Là, je me suis dit : ‘j’aurais pu ramener ces dames avec moi pour qu’elles voient la mer une seconde fois… ça leur aurait fait plaisir’. »

 

Sa solution ? « J’essaye de me déculpabiliser en me disant que j’en fais déjà beaucoup, que je mène des projets sans compter mes heures. L’important, c’est de ne pas (se) faire des promesses intenables. On est une association de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, et en fait, ma mission n’a jamais de limite. Je pourrai toujours en faire plus ! Mais je ne pourrai jamais sauver le monde dans le laps de temps de mes 35 heures de travail hebdomadaires. »

 

 

 

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