L’ordinateur posé sur les genoux ou attablé, toujours une tasse et des encas à portée de main, dans ce lieu où le son de la machine à café, la musique d’ambiance et les discussions habillent le silence, auto-entrepreneurs, free-lances, créatifs, étudiants, télétravailleurs partagent une table ou un canapé pour “travailler autrement”
“C’est mon grand bureau ouvert qui me permet de sortir de mon univers de travail”, plaisante Alexandre, 27 ans entrepreneur en solution de gestion d’entreprise qui va quotidiennement depuis quatre mois travailler à l’Anticafé, “et le tarif est abordable !”(cf encadré). Dans les trois espaces cosy des Anticafé parisiens, on paye au temps passé sur place et non pas à la consommation. “On est dans un esprit collaboratif, et moins dans la consommation. On ne vient plus pour prendre un café mais pour faire autre chose. On donne de la légitimité aux gens pour qu’ils se ré-approprient l’espace”, explique le responsable communication du concept, Nicolas Perrot.
Les utilisateurs y passent quelques heures ou plusieurs mois. “Le principe du café, c’est de se retrouver dans un endroit qui fait partie de l’espace public que l’on investit pour échanger”, raconte l’anthropologue à l’Institut de recherche pour le Développement (IRD), Charles-Edouard de Suremain.
Les utilisateurs y passent quelques heures ou plusieurs mois. “Le principe du café, c’est de se retrouver dans un endroit qui fait partie de l’espace public que l’on investit pour échanger”, raconte l’anthropologue à l’Institut de recherche pour le Développement (IRD), Charles-Edouard de Suremain.
Les utilisateurs s’installent en fonction des places et partagent un canapé ou une table. Le mobilier est design, le bois et le tissu prédominent. La cuisine est l’espace central, c’est un passage obligé où les gens se servent eux-mêmes. L’aménagement est fait pour créer un lieu de partage, l’ambiance est chaleureuse grâce au choix des matériaux et du mobilier. Il y a de grandes tables communes et des canapés pour que les gens puissent venir en groupe mais aussi seuls et s’entourer d’inconnus. Pour Charles-Edouard de Suremain, “il y a des moyens ergonomiques qui facilitent l’écoute et la communication”.
Partage, échange de compétences et collaboration
Les travailleurs indépendants en ont fait leur QG, ils interagissent, partagent leurs expériences et s’entraident. Dans ce lieu, le lien au monde du travail est inhérent et le concept est professionnalisant mais souple. Cartes de visites, propositions de services, tapissent le coin petites annonces. Une start-up a trouvé ici son webmaster. Une graphiste a fait le logo d’un auto-entrepreneur.
“La dimension interpersonnelle s’exprime beaucoup plus librement dans un Anticafé que dans un espace plus reglementé”, analyse l’anthropologue.
Au début de leur parcours, aux prémices de leur projet ces utilisateurs sont dans une logique d’ouverture. Pour Charles-Edouard de Suremain, on vient y “renforcer les réseaux informels et la mise en communication de compétences différentes”. Ce sont ces échanges, cette énergie à la fois cool et studieuse que ces créatifs viennent chercher. Une offre qu’il n’ont pas trouvé dans une bibliothèque, chez eux ou dans un espace de co-working beaucoup plus formel. “Je pense que ça peut considérablement aider à la construction de projet, pour les gens qui n’ont pas encore de bureau, qui sont entre-deux, on peut échanger librement, c’est approprié à la phase de montage d’une activité. Par contre pour des gens qui ont déjà monté leur projet, cela parait plus compliqué” , poursuit l’anthropologue.
Des initiatives soutenues par l’Anticafé
Observant les interactions et des collaborations se mettre en place, l’Anticafé a accompagné plusieurs initiatives : “des utilisateurs (juristes, experts comptable, coach, RH,...) proposent de donner des conseils individualisés dans leur domaine respectif quelques heures par mois, les utilisateurs intéressés peuvent s’inscrire directement en ligne”, rapporte Nicolas Perrot. Des ateliers bi-mensuels et des conférences viennent apporter à ces travailleurs indépendants une expertise complémentaire. L’espace propose aussi un réseau interne auquel les utilisateurs peuvent se connecter et voir le profil des personnes présentes et ce sur quoi elles travaillent.
Deux clients de l'Anticafé travaillent sur les canapés.
Pour Nicolas Perrot, “l’outil web sert à rapprocher des gens qui peuvent avoir des points d’accroche dans ce même espace. La plateforme accélère ce mouvement et permet de systématiser les collaborations entre utilisateurs de l’Anticafé”. Même s’il est “bien dans l’air du temps de travailler en réseaux”, l’anthropologue note que ces réseaux “échappent aux ancrages institutionnels classiques” et qu’ici c’est “la société civile aidée de l’Anticafé qui se mobilise elle-même pour trouver des solutions à des problèmes d’ordre professionnels, échanger et partager ses compétences et son expérience”. L’Anticafé est un lieu hybride qui sort des carcans classiques, verticaux et institutionnels du travail. Mais pour Charles-Edouard de Suremain, “l’Anticafé ne va remplacer ni le travail individuel, ni le travail collectif dans le cadre formel, c’est complémentaire”.
Sarah Moulai
Le concept AnticaféUn café dans lequel les boissons, snacks et l’utilisation du wifi et des jeux de société sont en illimité. Les clients paient un forfait temps à l’heure (4 euros), à la journée (16 euros), à la semaine (75 euros) ou au mois (230 euros). L’Anticafé est un espace né en avril 2013 dans le 3ème arrondissement de Paris. Depuis, deux autres lieux ont ouvert leurs portes dans Paris. |